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Quelque part entre Rose Kennedy et La Superbe de Benjamin Biolay
20 mars 2014

J'attendais en vain...

 

B

 

 

Confessions de quelques enfants du siècle 3ème partie. 

 

Le Soleil vert

 

En aparté, je tiens à signaler que les réflexions qui vont alimenter ce message sont largement inspirées de la lecture de Le meilleur de soi, de Guy Corneau ; d’ailleurs, pour votre confort personnel, je vous conseille cet ouvrage qui ne vous laissera nullement indifférents ; bref, si vous souhaitez vous rencontrer, il sera un guide parfait !

 

Le précédent message s’achevait sur la rupture de Brandt Rapsodie. Si la lettre de la femme (15 août) révèle une ouverture, celle de l’homme se termine par un rejet et une volonté de mettre définitivement un terme à l’amour ; elle est dans le passé, lui se tourne vers l’avenir et même, il semble retirer autre chose qu’une blessure profonde et un échec : « c’est pas l’heure de m’en aller », « il y a du soleil dehors qui me réchauffe le corps ». Un désir de vivre résiste et il semble vouloir échapper à ce destin qui le jetait à terre ; les sujets de Trash Yéyé, A l’origine, du texte  La Superbe ou Les grands ensembles demeuraient clouer au sol ; dans cet album, malgré les difficultés, il ne veut plus être l’albatros. Dans 15 août et 15 septembre, il semble franchir un pas vers la liberté ; ne voulant plus être prisonnier de lui-même ou de sa partenaire, il préfère s’éloigner malgré la difficulté de l’échappée. : « je marche sur les rails et je trompe la mort », "devant la pente je ne vois qu'un creux". C’est ainsi que dépossédé du sentiment amoureux, il va errer pour un temps dans les substituts ! Seul, il  va s’aventurer sur certains chemins périlleux mais qui finalement sont nécessaire pour ultérieurement éviter les parcours nuisibles « long est le chemin qui mène à la faillite dans presque tous les domaines » ; le salut se mérite ! dans Les grands ensembles ou La superbe, le sujet est enfermé dans un déterminisme totale et dans La sup, il semble curieusement soulagé « Dieu merci » d’être sous le joug de cette fatalité qui l’éloigne de lui-même ; manipulé par ce déterminisme fort complaisant, il a peur d’agir et la vie lui échappe : « le soleil est assis du mauvais côté de la terre », « le soleil est jauni », « le soleil s’enfuit ». Heureusement que le déterminisme n’est pas total et pour ceux qui préfèrent agir plutôt que de subir, tout se joue d’instant en instant. Et c’est bien en se détachant de la superbe et du fatalisme qu’elle engendre que le sujet pourra enfin sortir de sa prison et de toutes ces choses fausses qui dictaient sa vie. Le chemin est certes long...

Dans Mélancolique et Ton héritage, l’individu se décrit comme naturellement doté de facultés qui le poussent à souffrir, comme s’il était né pour cela ; il ne peut que tourner en rond et sans issue possible, il se résigne à la mélancolie.

Beaucoup de textes évoquent l’angoisse d’être là ; accablé par une mélancolie originelle, le sujet tentera de vivre avec parfois de faux-compagnons. Dans La toxicomanie, son hygiène de vie, il recherche non les plaisirs mais sûrement le non-déplaisir. Dans Night Shop, il " rêve de cure de sommeil" ; et oui, dormir est une autre façon de fuir le monde! Le caractère dépressif débordant le retranche des autres ; on ne sait plus ce qui est plus difficile pour lui : vivre ou mourir. Dans Raté, la mort paraît davantage supportable « un pas d’avance aux Cieux » car elle serait une force qui le désengluerait de la vie. En attendant, l’isolement est un moyen pour le sujet de se retirer d’un monde où il n’a pas sa place ; désireux d’être aimé, il se retranche « là-haut » car il a peur d’être déçu (« déçu de tout ») et de ne pas recevoir toute l’attention nécessaire ; or dans ses hauteurs, il s’isole encore plus ; bref, il s’y prend mal, encore une fois, pour attirer l’attention. Il faut qu’il apprenne à devenir lui-même avec ses défauts, ses qualités, ses doutes, ses peurs, ses espoirs…, qu’il arrête d'endosser un rôle qui lui sert de carapace pour l’aider à fuir et se fuir. « Il n’y a pas lieu de se sentir coupable d’avoir une personnalité. Le problème est que, si cette façon de faire nous protège dans un premier temps, elle devient vite une prison qui nous enferme et réduit notre capacité de déploiement. Elle finit par empêcher le contact avec le flux créateur, avec le meilleur de soi » ( Le meilleur de soi, Guy Corneau, p.60, J’ai lu, Bien être). Dans Assez parlé de moi, il est en dehors de l’enfermement mais il est trop expansif. Trop en retrait, trop au devant de la scène, les sujets se trompent dans leur façon de se représenter au monde ; il faut faire tomber le masque : « mon chapeau claque et mes frasques sont rangés avec mes masques, les pires mais masquent les pires » (Trésor Trésor-Vengeance), « tombe tombe tombe le masque » (Prenons le large).

 Quand ce n’est pas dans le regard d’une femme, c’est dans celui de tous que le sujet veut se voir exister ; il s’est forgé un personnage et cette personnalité se montre dévorante : « Le « besoin d’être reconnu » est la façon universelle qu’ont les êtres humains de contrer l’impression d’un abandon et le sentiment d’une exclusion…Si la personnalité sert de bouclier de protection, le besoin de reconnaissance va servir de pont vers les autres. La personnalité et le besoin d’être reconnu sont indissociables, et se nourrissent l’un de l’autre. La personnalité est comparable à un personnage que l’acteur accepte d’incarner le temps d’une pièce. Sauf qu’ici, la représentation ne s’arrête pas et que l’acteur devient prisonnier de son rôle par crainte de ne plus être apprécié par les autres s’in quitte les habits dans lesquels on est habitué à le voir…l’acteur disparaît peu à peu sous les masques du personnage » p58. Dans Padam, l’orgueil a pris d’assaut le sujet et la part créatrice est dévorée ; il veut la gloire sans les efforts : « j’attendais en vain, que le monde entier m’acclame » ; il fait la même erreur qu’en amour : vivre dans le regard des autres où il peut se voir briller ; il veut plaire sous un masque qu’il n’apprécie pas plus que ça. «… nous cherchons confirmation de notre valeur dans le regard des autres, développant même pour leur plaire des habiletés qui n’ont rien avoir avec nos goûts. Nous nous retrouvons dans la peau d’un personnage fabriqué de toutes pièces dans lequel nous ne nous reconnaissons plus. Il y a une rupture intime dans l’être. Il y naît un conflit inconscient entre l’individualité créatrice d’un côté et les besoins du personnage de l’autre… » p.116 Dans Padam, il cherche à être aimé pour de mauvaises raisons, pour les paillettes et la superbe. « J’ai cru les gens qui m’entourent », il est de nouveau sous l’emprise des autres pour exister ; désireux d’être aimé, il en oublie d’aimer et de s’aimer. A force de s’écarter de lui-même (« Souvent je me suis pris pour un autre »), il est devenu dépendant de tout ce qui l’entoure : sexe, alcool… (« j’ai fait des doubles fautes, double sec, double dose, double dame ») car ses dépendances servent à le rassurer, à faire croire qu’il existe ;  dans Assez parlé de moi, Night Shop, Si tu suis mon regard, il est avalé tout entier par ses complexes. Tous ces sujets sont dispersés ; souvent trop engagés dans l’action, happés par des obligations sociales, ils n’ont plus le temps d’être eux-mêmes ; ils ne savent plus tenir en place « j’avale le vent, j’avale la vie », « si tu suis mon regard, tu verras… des taxis et des gares ». Mais la conscience est là et les sujets se rendent compte que toutes ces actions masquent la réalité et ne sont qu’ « un art de vivre sans personne qui t’aime », « trop longtemps, cent fois trop longtemps que je suis tout seul » ; ils se sont laissés aller dans la partie mourante d’eux-mêmes, accompagnés de faux-amis. Ils se terraient sous une personnalité pour rejeter leur propre identité comme s’ils se sentaient incapables de plaire et de s’épanouir dans leur état naturel ; alors c’est en se noyant dans l’alcool, se perdant dans la drogue qu’ils tentaient de se fuir. Night Shop est un texte très riche ; là, l’individu sait que le soleil-le bonheur existe même s’il a les couleurs du passé. Dans le présent, il a trouvé un substitut au soleil derrière une "fille aux cheveux orange"…Cependant, retranché dans ses hauteurs imaginaires, il s’aperçoit  qu’il n’a pas une vue précise et exacte des choses et se rend compte de la supercherie : « tous ces chats me semblent trop pareils, vus de là-haut », « moi, moi, moi je ne la crois pas trop ». Bref après l’auto-sabotage, il est grand temps que les sujets se lancent dans tout ce qui les pousserait à vivre ! Et c'est ainsi que le pire pourra libérer le meilleur...

Dans Buenos Aires, le sujet découvre qu'il a au fond de lui le désir d'être heureux; et c'est le cas dans Lyon Presqu'île; là, les identités ne voient plus la vie comme remplie d'insatisfactions, comme perpétuelle lassitude ou déceptions; ils redécouvrent une vision colorée du monde qui ne sera pas faussée par des substituts : "le ciel a des couleurs que je ne soupçonnais pas", "l'eau qui dormait se réveille", "je mange un morceau de soleil"; le temps n'est plus un monstre ennuyeux, un ennemi du bonheur :"j'ai l'impression d'être né hier", "c'est comme si j'étais parti, parti hier". Ils semblent avoir retrouvé leur instinct naturel car "la bonne nouvelle... vient que nous sommes nés pour le bonheur" p.21 G.Corneau. On ressent chez ces sujets le désir d'exister sans peur de ne pas plaire; ils tournent le dos à leurs craintes et même dans la fin de 15 sept : "ne reste pas ici, il commence à se faire bien tard", il semble tirer une leçon des erreurs et met en garde contre un déterminisme et une dictature du moi; il lance un appel pour reprendre la maîtrise de soi afin de ne plus se laisser déposséder par une personnalité qui pousse à agir à l'encontre des intentions. Peut-être que pour se retrouver et se réajuster, il faut se mettre face à tous ces éléments extérieurs ( alcool, sexe...) ou à ces forces inconscientes (gênes de la mélancolie, complexes...) qui nous hantent et qui finalement favorisent, accroissent-sous la complaisance-nos plus grandes peurs! Et oui, parfois on évolue comme les personnages de ces albums: on nage à contre-courant. Dans Vengeance, il y a une volonté de remettre en question ce personnage envahissant et destructeur mais tout ne sera pas encore si simple!

A bientôt...

 

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