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Quelque part entre Rose Kennedy et La Superbe de Benjamin Biolay
14 octobre 2014

Dis-moi si l'élu ... passera l'hiver?

 

Aime mon Amour 

 

téléchargement (16)

 

La vengeance est un acte d’attaque d'un individu contre un second, motivée par une action antérieure du second, perçue comme négative (concurrence ou préjudice) par le premier (Larousse-vengeance).

 

La passion est une obsession qui envahit les sens et l’esprit ; elle aveugle et dégage des bouffées délirantes ; elle détruit tout contrôle de soi. Dans Aime mon amour, la femme prend l’apparence d’une sirène irrésistible qui asservit les hommes. Sous ses charmes, elle affaiblit toute volonté ; la passion devient un supplice où l’homme sort vaincu de cette expérience et ainsi « c’est douloureux dedans » pour reprendre la chanson de l’album Trash Yéyé. On pourrait facilement imaginer qu’Aime mon amour en est une suite et dans cet épisode, l’aimé-trompé est dominant, l’amant-élu est dominé. Mais ce dernier passera-t-il l’hiver, saison des épreuves ?

Cette chanson est machiavélique et remplie d’ambigüités. On ignore si l'on est dans le réel ou si l'on évolue en plein fantasme; on ne sait s'il veut se venger, décourager, reconquérir ou mettre un terme à son histoire passée. L’impératif : « aime-mon amour » peut très bien adresser une permission à la femme et/ou un ordre, au remplaçant. Ainsi, le sujet devient le maître qui tire les ficelles de ses deux marionnettes. Il paraît vouloir délivrer la femme qu’il a aimée et l’autorise en quelque sorte à passer sous la tutelle d’un autre. Dans Même si tu pars, il faisait mine d’être doté d’une ouverture d’esprit capable de supporter le fait qu’on puisse le préférer à un autre ; ici, il souhaite même que toute trace de lui soit effacer : « oublie mon nom à jamais ».

Ce texte est l’anti-panégyrique de l’amour. La femme nous apparaît comme un être envoûtant, capable de terrasser ses partenaires. Elle a le pouvoir de s’emparer de leur identité et de leur liberté. Toute relation avec elle engendre un caractère servile. Le sujet a été une de ses victimes. Ici, il ne va pas s’acharner à rendre imprenable la femme bien au contraire (enfin en même temps et c'est bien là toute l'ambivalence du texte, il joue un rôle d'entremetteur qui ne valorise guère l'union des deux tourtereaux) car il ne cherche pas à la reconquérir-semble-t-il- comme c’était le cas dans Insigne honneur par exemple, où le personnage s’abaissait devant son adversaire pour sauver son amour. Ici, ni amour, ni haine mais plutôt un jeu où se croisent orgueil et perversité. Là, le sujet prend le pouvoir sur son rival. Sa supériorité se définit par son statut de connaître le sort de chacun. Cette conviction d’avoir raison, de détenir la vérité passe quand même pour une vanité extrême et une prétention excessive, non ?! Ces pensées se mettent à croire alors qu’il ne cessait, sûrement, de douter dans sa propre relation amoureuse. Car le portrait qu’il dresse de son rival n’est autre que le reflet de lui-même dans le passé. Désormais, il est devenu le prédicateur et donne des exigences sous la menace « aime-mon amour ou je te descends ». Il est le gourou, détenteur d’une vérité absolue et exerce un pouvoir totalitaire sur son initié à qui il dicte des règles strictes ; il s’empare de l’autre conscience pour mieux l’asservir et lui ôter toute liberté de penser.

L’image de ce rival du passé est mise à mal ; son statut n’est pas enviable. C’est un être soumis : soumis à la femme, à l’amour, au dictat du nouveau maître. Il n’a plus un statut d’être humain : « deviens son chien, son roquet ». Il a un rôle secondaire dans ce rapport de vassalité, de souveraineté ; il est un complément de la femme, il devient l’ « inessentiel » mais c’est le prix à payer pour cette relation. L’amour ne se vit pas dans un climat serein d’égalité mais dans la crainte et la manipulation. En amour, les deux partenaires doivent se constituer inégaux et c’est l’homme qui accepte de ne pas être reconnu afin de mettre la femme sur un piedestal et de maintenir la relation. Un jour, le sujet a vu tout vaciller devant le risque de tout perdre. Mais devenir une chose ou être reconnu par une chose conduit à une impasse ; la liberté de chacun doit se faire et il y a une libération possible par la rupture même. Le temps qui passe est évoqué sous les saisons : « et quand bien même elle pleure des rivières tout le long de l’hiver » ; l’hiver est la fin d’un cycle, c’est la saison des bilans et la récolte est un flot de larmes ; de quoi inonder le printemps à venir. « Même si tu n’as plus d’ongles au printemps » ; les ongles sont le symbole de la combattivité et là, l’homme risque de se retrouver sans défense pour affronter le renouveau ; les ongles sont le reflet de notre condition physique et mentale ; leur perte correspondrait à un état de déchéance extrême-inquiétude, nervosité, déséquilibre, vulnérabilité… 

Que recherche vraiment le sujet en  s’arrogeant le droit d’avoir une compréhension entière sur cette histoire d’amour ? Est-ce pour se venger en présageant un avenir funeste ? Est-ce pour décourager, rebuter l’autre ? Est-ce pour se libérer enfin lui-même d’une relation défunte et se rassurer en croyant savoir ce que son rival va subir ?

D’ailleurs, ne pourrait-on pas entrevoir une suite à cette histoire « dis moi si l’élu passera l’hiver », « quand bien même elle pleure des rivières tout le long de l’hiver, même si tu n’as plus d’ongles au printemps » dans le très beau texte « Je ne passerai pas l’hiver » ?

A bientôt pour la fin de la fin de ces quelques confessions sous les Soleils de B.Biolay …

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