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Quelque part entre Rose Kennedy et La Superbe de Benjamin Biolay
15 septembre 2014

Dans le vieux parc solitaire et glacé, le sommeil attendra...

 

Comme des statues de pierre... 

 

Shakuntala

 

 

 

Le sommeil attendra est un texte où l'on peut détacher un désir de traduire l'aspect fugitif de l'amour et sa fragilité; de ces images d'un monde en ruine "nuit étoilée de crachat, au loin c'est la guerre, l'évier fuit, le fleuve est en crue, l'archipel pêle à mort" se détache péniblement mais courageusement une tentative quasi désespérée pour prolonger un peu d'espoir sur ce paysage sentimental largement souffreteux. Malgré les efforts "serrons nous, gageons que le sommeil saura nous attendre encore, mais le soleil est là", dans peu de temps, la planète amour  ne sera plus éclairée et réchauffée par le soleil; cette planète est appelée à mourir sous un lac gelé; le combat est perdu d'avance "je crains que le sommeil ne sache attendre encore" mais le sujet veut retarder cette fin qu'il minimise par l'euphémisme "sommeil" afin d'atténuer l'aspect tragique de la mort des coeurs. Le sommeil attendra renvoie à Colloque sentimental: "Dans le vieux parc solitaire et glacé, deux formes ont tout à l'heure passé./Leurs yeux sont morts ..." Mais chez Verlaine, l'amour ne motive plus et l'atmosphère glacée (qui est celle aussi de sous le lac gelé) montre que l'union des personnages est passée. Dans Le sommeil attendra, le sujet veut croire que leur amour n'est pas encore mort : "comme des statues de pierre/ gardons les yeux grands ouverts". La pierre symbolise la dureté, la solidité voire même l'éternité tel le marbre. L'emploi des verbes d'action montrent qu'ils sont toujours du côté des vivants: "serrons-nous, faisons l'amour puis la guerre, respire, avalons". Ce qui semble fragiliser l'amour ce sont les éléments extérieurs: la pluie, le froid, les inondations; tout ceci donne l'impression que ce sont les éléments naturels qui poussent les personnes dans le néant; le danger vient de l'extérieur et nul ne peut lutter pour toujours. L'avenir est sombre pour ces deux statues de pierre; d'autant plus sombre encore que l'on n'entend plus qu'une seule voix. Nul ne sait ce que l'autre personnage pense, éprouve, envisage. Serions-nous les témoins d'un monologue jouant un drame humain? L'autre souhaite-t-il aussi perpétuer la relation amoureuse? Le sentiment amoureux anime une volonté, la motive et la pousse à agir. La fin approche mais le sujet reste dans le combat, celui qui rend vivant et non celui qui tue. Il voudrait inscrire leur couple dans un présent perpétuel: "gardons les yeux grands ouverts" mais l'amour répond à un cycle de guerre et de paix "faisons l'amour puis la guerre entre deux corridas" et cette structure cyclique cache et renferme une monotonie et porte déjà en elle la mort. Sous le lac gelé sonne l'échec de cette bataille perdue d'avance. Ce texte suscite des réflexions sur le souvenir, le temps, le passé et son impact dans le présent. Alors que chez Verlaine, les deux êtres ne se séparent pas et sont même condamnés à vivre ensemble, ici, ce qui est important c'est le refus du flou et de la fuite parce que l'on aurait peur de se séparer; il s'agit bien là d'une défaite mais avec une volonté de mettre fin au non-dit, de clarifier la situation et de ne plus faire un va-et-vient entre le passé et le présent, la mémoire et la conscience: "dans ta langue(...) il faut que tu m'informes si tu me quittes". A bientôt...

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