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Quelque part entre Rose Kennedy et La Superbe de Benjamin Biolay
20 juin 2011

Du haut de"l'Observatoire" (Rose Kennedy)

Je suis ravie de vous retrouver ce J+1. Aujourd’hui, nous allons embarquer pour les 7èmes cieux ! Je vous garantis un voyage sans éprouver la moindre sensation de vertige. Faites-moi confiance et attacher vos ceintures ; nous allons quitter les falaises et le vent des Cornouailles (Night Shop) pour grimper au sommet de l’Observatoire (album Rose Kennedy).

Le paysage a sa patrie morale et intellectuelle. Il faut qu’il parle aussi et qu’à travers l’exécution matérielle on éprouve, ou les rêveries, ou les sentiments que font naitre les différents sites[1].

Les espaces et les atmosphères des chansons semblent renvoyer à une géographie intime. Ce sont plus exactement des chemins qui mènent vers l’intérieur pour suivre une idée de Novalis[2]. Ce qui domine, c’est un espace neutre et universel doté pourtantd’une subjectivité profonde. Il fait tout entier partie de l’homme. Les paysages sont affectifs et révèlent des tristesses et des angoisses. L’homme est comme éperduau bord de l’infini[3]. Dans les textes, il semble dominer la vie et la vue d’ici-bas comme s’il était exclu du monde ; il reflète un sentiment d’abandon, si cher aux personnages romantiques. Je constate une solitude frappante. Il apparaît souvent comme un être médiateur entre un céleste et le terrestre. Comme un archange, il regarde le monde des mortels. L’espace angélique serait cette verticalité souvent atteinte, comme un abîme supérieur : depuis l’observatoire[4], là-haut, je vais et viens[5], (…) là-haut, là-haut/ouila nuit je longe les falaises[6], Je m’enfuis par monts, vaux et merveilles : là-haut, là-haut[7].Pour Victor Hugo, le poète rayonne ! Il jette sa flamme/ Sur l’éternelle vérité (….) Car la poésie est l’étoile/Qui mène à Dieu rois et pasteurs ![8]L’observatoire permet d’étudier les astres et leursmouvements ; c’est un édifice qui pourrait symboliser la hauteur spirituelle et servirait de point culminant pour déchiffrer la Vérité, le mystère des profondeurs, l’inconscient. Mais de cet espace naissent les visions de l’enfer et la narcose peut s’installer ; l’homme est éperdument enchaîné à un état semi-conscient. La dualité entre deux espaces est souvent évoquée comme deux mondes où nulle frontière n’existe ; ils sont à jamais désunis. Dans la plaine /Il y a le temps qui nous enchaîne/ A nos douleurs et à nos peines(…) Mais sur l’autre rive / Les plaisanciers les badauds ivres / De bonheur en définitive(…)[9]. Les deux pôles incarnent la complexité et le combat de l’homme tourmentépar deux sentiments contradictoires qui le torturent : le bien, le mal pour schématiser le coté manichéen de ces écrits. « L’observatoire »est très révélatrice de cette séparation tranchante du bonheur et du malheur. Ici deux mondes distincts coexistent ; d’un côté, le monde des ténèbres : dans les cèdres, sous l’azur, dans la plaine. Les cèdres, l’azur, la plaine, arrachés à leur contexte textuel projettent des ondes positives. Le cèdre symbolise la grandeur, l’immortalité, l’incorruptibilité… ; l’azur se définit comme l’air, le bleu du ciel et la plaine, de par sa vaste étendue renvoie à la pérennité mais aussi à l’absence de danger imminent. Or la puissance incarnée par ces substantifs va vite se trouver menacée. Déjà, les prépositions qui les accompagnent sont éloquentes et abattent une impression d’enfermement : « dans », « sous ». Les détails qui succèdent assènent le coup fatal en convoquant échecs, fatalité, temps qui passe : Dans les cèdres(…) /Il y a le printemps qui décède, Sous l’azur(…)/Chacun(…) va de ratés en ratures, Dans la plaine/Il y a le temps qui nous enchaîne. Par contre sur l’autre rive est représenté le royaume de la lumière, du bonheur et de l’éternité. L’observatoire renverrait quand à lui à un espace intermédiaire.

Un autre jour, je vous conduirai vers des destinations plus ensoleillées comme Buenos Aires ou Lyon…Je conclurai juste cette journée sur cette remarque : B.B. a transgressé les codes de la chanson française, ses écrits recèlent une expression poétique particulière. Me rapportant à lui et sans vouloir ranimer ce vieux débat stérile entre poésie et chanson, je prends parti du fait que poésie et chanson sont deux notions qui s’harmonisent. Je ne me lancerai pas dans une généralisation : le débat pléiade et chanson populaire n’est pas équitable. Cela rejoindrait à mettre sur un ring : Eric Zemmour et Patrick Sébastien ! A inscrire dans les annales ! Par contre, avec brièveté et désinvolture, je m’exprimerai sur mon choix le concernant. Sans passer en revue toutes les figures de styles qui rythment ses textes, je peux dire sans prendre de risque qu’ il a un don pour agrémenter ses chansons d’images, de comparaisons, d’anaphores, de rimes et d’autres jeux de mots…Nous reviendrons sur son originalité, une prochaine fois ; après tout, nous avons tout le temps…A vendredi soir et n’hésitez pas à vous prononcer même en deux ou trois mots…

 



[1]F-R Chateaubriand, Lettres sur l’art du dessin, 1793.

[2] Poète et écrivain allemand, 1772-1801.

[3]Victor HUGO, Les contemplations, 1856.

 

[4] B.B., L’observatoire, ROSE KENNEDY.

 

[5] B.B., Raté, LA SUPERBE.

 

[6]B.B., Night Shop, LA SUPERBE.

[7]B.B., Night Shop, LA SUPERBE.

 

[8] Victor Hugo, Fonction du poète, Les rayons et les ombres.

 

[9] B.B., L’observatoire, ROSE KENNEDY.

 

 

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