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Quelque part entre Rose Kennedy et La Superbe de Benjamin Biolay
9 août 2012

Rose Kennedy (2ème partie)

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Maintenant je vais aborder les chansons qui offrent une vue sur le bonheur : La mélodie du bonheur, Les joggers sur la plage, Un été sur la côte, les cerfs-volants et La Palmeraie.

La mélodie du bonheur est assez surprenante. Outre, le calque parfait couplet (8 vers), refrain (7 vers), couplet (8 vers), refrain (7 vers), le retour du même nombre de syllabes 66646664 et 8844444, se rajoutent les  rimes identiques dans les couplets et des homophonies à l’intérieur même des vers. Il y a juste un changement de rime dans le second refrain qui va faire glisser l’impression de légèreté vers une note plus pessimiste, celle « du temps qui passe qui fait danser la fille d’en face seule, hélas ».

Mais observons les surprenantes similitudes et essayons de découvrir leur intérêt :

 1. C'est comme on avait dit                              C'est comme un peu de pluie
2. En fin d'après midi                                          Un coin de paradis

3. Un tuba, un tubiste                                          Un piano, un pianiste
4. Une chanson triste                                           Un tour de piste
5. C'est comme au bon vieux temps               C’est comme au bon vieux temps

6. Quand c'était mieux avant                           Quand c’était mieux avant

7. Une mélodie légère                                           Une mélodie légère
8..Un courant d'air                                             Un courant d’air

                                                                      

En 1, on a en commun « c’est comme », on a l’homophonie « on/un », et la rime « i ».

En 2, on a l’homophonie « en/un », et des assonances en « a » et « i » et des allitérations en « p, r, d » ; avec les lettres d’ « après-midi », on peut écrire l’anagramme « paradis » (en reprenant deux fois le « a »).

En 3, on a reprise du même vocabulaire : musicien et instrument de musique.

En 4, avec « tour de piste » on peut composer l’anagramme « triste ».

Puis les quatre derniers vers restent identiques dans les deux couplets et le refrain varie peu ; seule la chute est moins heureuse.

On peut déduire que ce calque révèle un désir de faciliter l’apprentissage du texte pour peut-être symboliquement s’approprier rapidement le bonheur ; 8 petits vers, c’est tout ce qu’il faut.  (Cette « mélodie légère », ce « bon vieux temps » nous remémore la célèbre comédie musicale « La mélodie du bonheur » et notamment « do, ré, mi » écrite en clin d’œil mnémotechniques, « 8 petites notes, c’est tout ce qu’il faut ».) Bref, le bonheur (chanté dans une forme épurée) répond à une définition très simple et sous-entend qu’il ne tient qu’à peu de chose ; il s’enveloppe dans l’air ambiant. A nous donc de le capter, de le saisir mais d’emblée, on a l’impression que le bonheur appartient au passé et qu’on n’a pas su le retenir « c’est comme au bon vieux temps quand c’était mieux avant ». Le passage du présent à l’imparfait nous attire vers  une période déjà écoulée. Dans Les joggers et Un été sur la côte, on sent le bonheur à porter de mains. Un décor s’installe: la mer en été qui n’est pas sans rappeler le cadre de la résidence d’été des Kennedy à Cap Code.

Les joggers sur la plage:

On retrouve une ossature équilibrée : couplet de 8 vers, refrain de 6 vers, couplet de 8 vers presque identiques aux 8 autres, refrain. Les rimes ne changent pas d’une strophe à l’autre ; les couplets par leur similitude ont les caractéristiques du refrain. (Dans cette chanson, la musique prépare l’entrée dans le refrain ce qui permet de mieux l’isoler). Le texte repose sur une grande fluidité métrique, d’une économie de vocabulaire et d’une syntaxe simple. On relève beaucoup de pléonasme : « loin d’être loin, le phare éclaire, pins sur le rivage, un sous marin au large, une bouée un naufrage, les joggers…courent» et confirme bien le vers suivant : « aucun mystère ». L’ensemble renforce cet état de sérénité ; tout est parfaitement à sa place et l’absence quasi-totale de verbes détruit toute possibilité d’un danger. Les rares détails viennent amplifier la béatitude déjà bien perçue : « le ciel sans aucun nuage », « drapeau vert pour la nage ».

Un été sur la côte, exhale une innocence et un glamour proche des créations de David Hamilton. On note une maîtrise de la lumière : « fin d’après midi », un décor idyllique de paradis perdu ; on est hors du temps : « air des années 30 et trente glorieuses…, devant un amour éthéré : « un baiser sur le sable ».

L’esthétique épurée des deux textes me rappelle le procédé des Haïkus dans lesquels les mots captent une réalité banale, quotidienne. Ici, surgit une plénitude qu’on aurait pu ne pas prêter attention. On ne retrouve pas les tercets de 3 vers de 5, 7 et 5 syllabes du Haïku, mais on saura retenir une brièveté dans les expressions dépourvues de verbes, de fioritures et une notion de saison (le kigo) donnée par le titre « un été ». « Un air de jamais vu » (ou « je regarde la mer » dans les Joggers…)  fait ressentir un désir de nous montrer autrement la réalité, de rendre nouveau ce spectacle quotidien. Le comportement de la mer et le mouvement des vagues, nous offrent quant à eux une lucidité sur notre réalité. « Son onde lancinante » sert de métaphore pour évoquer les relations amoureuses. Tel un rouleau, l’amour passé en appelle un autre. Le texte s’achève sur cette image ni bonne, ni mauvaise et non sur le constat candide : « ainsi soit-elle/la vie est belle »(et vis et versa), mais qui nous conduit  toutefois sur le chemin de la sagesse ; le texte nous ouvre à une attitude d’accueil. (Plus tard, B.Biolay nous apprendra à voir différemment mais par le biais d’images plus hallucinantes ou électriques.)

Cette vue séraphique se retrouve dans Les cerfs-volants et La Palmeraie.

 

Les cerfs-volants renvoie à l’image d’un paradis sur terre.

La structure du texte est différente des autres; les vers coulent librement comme le temps qui passe ; ils ne sont pas enfermés dans un couplet et un refrain. La chanson paraît sans fin. Dans mon précédent blog, j’ai abordé la notion du cadre serein, maitrisé ; aujourd’hui, je voudrai parler de cette obsession de vouloir contrôler le temps comme le souligne le polyptote « A mesure…je mesure » et le substantif « aulne ». « A mesure » signifie : en même temps que, et marque une correspondance entre le temps de l’horloge et le sujet; « je mesure » marque l’éveil de la conscience qui déjà choisit l’action à la soumission. « Je mesure … » signifie au sens transitif évaluer, calculer mais peut-être entendu aussi comme modérer, tempérer et soutiendrait l’idée d’agir sur l’horloge. « Et tandis que l’eau s’étend jusqu’à l’autre bout de l’étang » : la conjonction « tandis que » reprend la simultanéité et à l’eau vive qui s’écoule symbolisant le temps qui passe inéluctablement répond l’action du sujet « je regarde »;  il prend conscience d’une vérité universelle : le soleil d’hier revient tous les jours. Un parallèle est établi entre le soleil et le sujet comme l’indique les constructions similaires :

A l’aulne, à l’orée du jour/Le soleil sera de retour 

A la lisière du torrent/J’irai m’asseoir sur un banc

 A l’aulne porte deux notions de mesure : aune ou aulne était un bâton qui servait au mesurage et signifie aussi en mesurant par rapport à et renforce la comparaison soleil/individu qui se situent tous les deux dans un hors champs : « à l’orée du jour, à la lisière du torrent ». Un torrent se définit comme une eau au débit très rapide et renvoie ainsi à l’accélération du temps or l’individu voudrait poser son campement dans un endroit suspendu et doit donc être en conflit avec non seulement son propre écoulement du temps, c’est-à-dire sa propre histoire mais aussi et surtout avec l’Histoire. Un certain ressentiment se détache avec l’emploi de « en dépit » et du rythme ternaire qui sert à relater de grandes périodes historiques ayant eu de multiples répercussions capitales dans le monde développé. Les « années noires » renvoient au Krach de 1929 et à ses conséquences catastrophiques, « les années folles » recouvrent la période de 1920 à 1929 et les « heures de gloire », celle de 1945 à 1973. Ensuite sont énumérées des prédications « on ira faire un tour de barque », « on ira déjeuner », « on s’embrassera ». On a laissé l’action pour une contemplation quasi-mystique puisque ce futur annoncé semble être une résurgence d’un passé, « il y a longtemps ». L’homme s’arroge le pouvoir de rendre les instants heureux éternels ; il est comme le soleil, un souverain immortel, un dresseur d’éternité. Cette chanson amorce d’une certaine façon « Regarder la lumière ». Le texte se clôt avec Marylin Monroe-une des maîtresses de J.F.K.- chantant La rivière sans retour. A moi désormais de vous entraîner sur un radeau afin de vous conduire tout près de La Palmeraie.

 

La palmeraie:

Je ne crois pas me tromper en rattachant cette chanson à Rose Kennedy et de considérer les couplets comme des stances. Dans la chanson éponyme, on retrouve cette forme-ci versifiée correspondant à un monologue ; les deux textes renferment deux confessions remplies de foi ; on est dans une poésie élégiaque (comme Sous le soleil du mois d’août, où les reprises en début et fin de vers favorise l’affliction ainsi que les images car tout se lit au sens figuré.).

La Palmeraie titille d’emblée notre curiosité car le référent rattaché au  titre est déjà porteur d’un puissant symbole. Les palmiers sont les arbres de la vie car ils proviennent du paradis. Il s’agit en quelque sorte d’une invocation à Dieu. « Si j’ai de la chance » sous-entend l’intervention du Divin qui dicterait le destin. Après on peut détacher deux interprétations une cartésienne et l’autre plus spirituelle. Soit, on peut voir Rose désirant figer sa mémoire pour toujours dans le souvenir d’un événement heureux à savoir une danse avec son époux, et souhaitant ensuite vieillir dans leur résidence d’été, à Hyannis au Cap Code, et ce, jusqu’à sa mort :le calendrier froissé insinue que sa vie est déjà accomplie. Où bien, on voit Rose invoquant Dieu pour venir la chercher à sa mort afin que s’instaure la véritable amitié réciproque, incarnée par la danse et l’étreinte, pure invitation à la joie et à la paix ;  « en souvenir du passé » évoquerait les prières consacrées à Dieu. « L’obscurité pour l’éternité » renverrait à une représentation du noir après la mort ; de l’obscurité se lèverait un jour nouveau dans une vie nouvelle. Puis en glissant vers la lumière de « l’été », Rose atteindrait le purgatoire et son feu de purgation.  On noterait alors son désir de concrétiser le lieu et le temps de cette phase de transition car la conscience humaine collective recherche ces représentations. Le purgatoire prendrait ici l’aspect « d’une maison blanche » d’où l’on verrait des voiliers et rappellerait leur fief. Le temps, quand à lui, serait rendu palpable en introduisant un calendrier déjà écoulé. Rose ne serait plus dans le profane et pas encore dans le sacré.

 La chanson est composée comme ceci : deux couplets assez longs à l’allure de stances alternés d’un court refrain ; deux riment se partagent la musicalité des mots : [é] et [anse] mais je m’attarderai sur les riches exceptions à savoir : « jours », « ciel », « hirondelles », « enceinte ». Les « jours » serait cette période de transition et déclencheraient une sorte de compte à rebours avant de voir le « ciel » et les « hirondelles » dans l’herbe blanche. La perspective donne une vue d’en haut lorsque le ciel devient ainsi le plancher du paradis. (On retrouve ces images : soleil, été, l’herbe tendre, dans Sous le soleil du mois d’août, et elles évoquent sereinement la mort " douce/la pente est douce". Dans 15 septembre, la vision n’est pas aussi mystique ! « devant la pente, je ne vois qu’un creux ».)Pour finir, le ciel est le symbole de la présence de Dieu. Les « hirondelles » symbolisent la résurrection, l’habitation dans la maison de Dieu ; enfin, l’ « enceinte » sert d’espace clos qui protège le paradis, lieu suspendu « aucun hiver et pas d’été ».

 La religion chrétienne est très présente comme dans la chanson éponyme que l'on interrogera prochainement. A très bientôt...

 

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