Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Quelque part entre Rose Kennedy et La Superbe de Benjamin Biolay
7 juillet 2011

On reste Dieu merci à la merci...

Ce matin, j’avais l’intention de vous parler de « Carpe Diem » mais ce jeudi m’est vite apparu un peu noir et particulièrement pluvieux, tout du moins sur mon petit Paris. Aussi, nous poursuivrons notre valse sur un air de « fatum » ! Nous éviterons cependant de nous laisser aller « au vent mauvais » et de trébucher sur les tentatives de croche-pieds de cette sempiternelle fatalité. Je vous promets de sortir de cette chorégraphie temporelle, sans égratignure ou blessure morale.

          ° Le tunnel :

Dans certains textes, l’homme paraît englué dans un temps perpétuel et lent. Il donne l’impression d’étouffer et d’être prisonnier d’un temps. Il n’est pas retenu par un passé, ni prétendu à un avenir. B.Biolay évoque l’image d’un temps permanent révélant que la douleur persiste et qu'elle s’estompera difficilement. La vie semble être un tunnel interminable et à l’infini distance du tunnel, correspond l’éternité du temps. Souvent la finitude ne donne aucun sens à la vie : oui la mort me tente/ Oui la mort me tente/ Mais je vis faute de mieux[1]. L’homme apparaît comme un être avec une existence absurde ; il reste dans la loi de la vie, tout simplement. Il est instable et à cet état s’oppose la permanence du temps. Dans Tout ça me tourmente, la mémoire est un parasite car elle ne nourrit pas de regrets nostalgiques. L’homme est aveuglé par la routine et l’égoïsme s’installe. La solution serait la mort mais on ne franchit pas le pas. Toutefois, l’homme ne se conduit pas toujours comme un être primate proche de l’animal et de ses besoins primaires : mais dès vingt heures trente/ Oui dès vingt heures trente/ Je n’ai pas de cœur je n’ai que ma queue. Il lui arrive d’être investi par le remords.

              °Remords, repentir :

Parfois, l’individu s’interroge sur son propre fait écoulé et le passé lui apparaît alors comme une fatalité. Il cesse de jouer le rôle d’un être agissant. Il est assiégé par le poids du passé et n’arrive pas à voir l’avenir imminent inscrit dans le présent. Il a du mal à accepter les actes qu’il a commis et qui brisent ses liens avec autrui. Il sombre dans la solitude : J’aurais dû m’épancher, passer à table[2] : il avait une obligation morale à le faire. Il a commis une faute qui l’écrase toujours dans le présent ; le remords renferme un aspect tragique. Une lueur d’espoir  peut briller dans  Reviens mon amour (la superbe) avec cette idée du rachat dans le futur : Reviens mon amour, je réparerai mes erreurs. Souvent le passé est fatal car l’homme n’arrive pas à lui imputer un sens nouveau. Il n’a pas une liberté dans la signification qu’il donne à ses évènements passés ; il en est prisonnier. L’image du passé ne peut plus être modifiée ou changée et c’est valable pour l’avenir. L’homme se laisse aller  « au vent mauvais » comme disait si bien Verlaine, poussé par une résignation et une certaine passivité.

     °La fatalité :

 Les chansons les plus expressives  sont  Qu’est ce que ça peut faire (Trash Yéyé) et La superbe (La Superbe)  où est clamée une sorte de fatum conduisant l’homme à accepter le destin tel qu’il se donne. Ici, chaque destinée est arrêtée et paradoxalement un sentiment de soulagement ou de passivité volontaire  est ressenti : On reste dieu merci à la merci….[3] Le temps apparaît comme un dieu ou un calcul fatal contre lequel l’homme ne peut rien envisager. Il ne peut rien changer et  il devient le personnage d’une pièce de théâtre déjà écrite. La fatalité est inéluctable : puisqu’au bout de la route/ Il n’y a qu’un désert.[4] Les hommes ne seraient pas responsables de leurs actes  et toute vie serait condamnée ; le temps ne donne ni à regretter, ni à espérer. Quelles que soient les causes, on atteint les mêmes fins : adieu déterminisme…Le sujet a conscience que la mort existe mais au lieu de considérer chaque instant comme un moment unique que l’on devrait savourer encore plus intensément, il révèle leur inutilité. Là, nulle peur du néant apparaît mais une passivité devant l’inéluctable. Dans La superbe, le « je » disparaît pour s’asseoir devant le monde et le contempler. L’universel est concerné : « on ». Le « je » lyrique part du général pour se trouver personnellement ; le monde le renvoie à lui-même. Cette chanson trouve sa chute dans 15 septembre qui évoque l’effondrement d’une existence non plus partagée mais unique. L’homme, en somme, est précipité dans une course effrénée et sans issue. Loin d’atteindre le nirvana, il est prisonnier du samsara, sorte de malédiction dont l’homme occidental ne peut se détacher. Samsara représente le cycle incessant : naissance, croissance, déclin, mort, renaissance, croissance… que l’on retrouve dans Du lundi au lundi/ Un dimanche sans fin/ C’est la monotonie/ C’est juste un va-et-vient[5]. Samsara, c’est l’existence avec ses attentes et ses déceptions.  Pour Sogyal Rinpoché-maître bouddhiste tibétain, auteur du célèbre Livre Tibétain de la Vie et de la Mort- c’est le chemin sur lequel nous nous sommes perdus. L’exemple le plus frappant concernerait les relations amoureuses. L’amour est le sentiment qui devrait rendre l’homme le plus heureux, or paradoxalement dans ces textes comme dans tout esprit occidental, l’amour est ce qui nous fait le plus souffrir. Tout est immuable et même l’amour mais on a du mal à cerner cette notion. Aussi, samsara, c’est l’amour se mouvant en jalousie et en exclusivité, c’est l’indifférence. La rencontre est magique puis tout se dégrade et le quotidien se résume en frustrations et rituels : je savais bien bébé que c’était morose/ Qu’on avait sous le pied comme une rose/ Qu’on faisait moins c’est vrai la chose[6] ; tout devient jalousie et discussions stériles : Tu disais souvent/ Je vais te perdre un jour/ Je répondais tout le temps/ Tu dis n’importe quoi comme toujours/ Tu disais parfois/ Tu dis que du vent/ Je répondais toujours/ Tu dis n’importe quoi comme souvent/(…) Tu disais aussi/ Tu vas t’en aller/ Je répondais jamais/ Toi, tu ne m’en voulais jamais[7]Tant qu’il y aura un déni de pourparlers francs, toute évolution sera réduite à néant. Cette vie insatisfaite ne peut que conduire à un état mélancolique et l’issue serait d’atteindre l’éveil en se libérant de cette souffrance…La situation est-elle susceptible d’évoluer ? L’homme pourra-t-il agir et modifier non l’Histoire mais tout du moins son histoire amoureuse : Dès la prochaine vie, jurer de se rester fidèle[8]

La prochaine fois promis, nous changerons de refrain et nous danserons sur l’instant…



1. B.B., Tout ça me tourmente, La Superbe.

2. B.B., Jaloux de tout, La Superbe.

3. B.B., La superbe, La superbe.

4. B.B, Qu’est-ce que ça peut faire,Trash Yéyé.

5. B.B., La monotonie, Rose Kennedy.

6. B.B., Jaloux de tout, La Superbe.

7. B.B., Jaloux de tout, La Superbe.

8.B.B. La Superbe, La Superbe.

Publicité
Publicité
Commentaires
Quelque part entre Rose Kennedy et La Superbe de Benjamin Biolay
  • Blog: A la découverte de l'univers poétique de Benjamin BIOLAY. Explications au gré des imaginations, envolées lyriques sur les grands thèmes, humble hommage à la richesse de ses écrits et autres pérégrinations fantaisistes...
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Quelque part entre Rose Kennedy et La Superbe de Benjamin Biolay
Archives
Visiteurs
Depuis la création 9 706
Publicité