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Quelque part entre Rose Kennedy et La Superbe de Benjamin Biolay
12 juillet 2011

Ainsi soit-elle, la vie est belle...

Nous allons nous libérer des griffes acérées de la fatalité pour nous jeter dans les bras de l’instant!

(Encore une fois, je ne m’appuierai que sur quelques textes ; ma démarche n’est pas exhaustive. Je souhaite juste vous engager dans un itinéraire possible afin d’explorer les univers diversifiés et riches des albums mais je ne cesserai de vous dire que chacun peut vivre sa propre croisière. Je vous embarque juste sur ma chaloupe ; à vous de rapporter vos propres souvenirs de voyage !)

« Ainsi soit-elle/ La vie est belle » (Un été sur la côte) : je commence par un très rayonnant et léger pas de danse. Et oui, parfois le temps dans l’univers de B.Biolay est suspendu : J’ai l’impression d’être né hier[1] , C’est comme si j’étais parti la veille[2]. Ce trop plein de liberté nous donnerait presque le vertige ! Dans ces chansons, le bonheur fait son apparition. Etymologiquement, le bonheur est lié à la chance. Il est le fruit du hasard et d’un bon augure extérieur (l’aimée et son pays, la famille, la mer du Nord). Il se caractérise par un état de satisfaction totale. De cette absence du temps fatal des aiguilles éclot un profond désir de vivre. Là, l’homme n’est plus harcelé par sa conscience tragique du temps qui passe et qui ravage les relations amoureuses. Le temps est devenu une donnée subjective. Il incarne la jeunesse. Le passé et l’avenir cessent parfois d’être obsessionnels et le présent n’exclut plus alors le bonheur. Ce dernier prend l’apparence de la mer du Nord  dans Les joggers sur la plage  ou d’une fin d’après-midi en bord de mer dans Un été sur la côte. Ici, le bonheur est associé à un temps qui ne ronge plus perpétuellement la vie. L’ennui disparaît. Temps, lieux et personnes ne sont pas toujours des ennemis potentiels et B.Biolay réussit à fixer la beauté d’un instant privilégié comme la saisirait un photographe.

Dans « Dans la Merco Benz », « Laisse aboyer les chiens », le présent est défini comme un instant rempli de faveurs, enfin, en apparence… La formule  Laisse aboyer les chiens sonne comme une doctrine épicurienne qui rendrait hommage au glorieux Carpe Diem d’Ovide, de Ronsard….Mais cet instant est fragile. Dans « Dans la Merco Benz », les premiers paragraphes évoquent un moment profondément heureux : Ma petite faiblesse /Ma plus belle histoire de fesses/(…) C’est de l’espoir que je caresse /(…) que je promène. Brutalement, huit syllabes vont corrompre l’instant de ce bonheur fugace et détruire les promesses d’un futur : Mon amour hélas le temps passe. Ainsi, on va du présent de jouissance immédiate à la notion de fuite du temps et de vieillesse. L’homme n’est plus dans  le bonheur mais dans le plaisir, c’est-à-dire une satisfaction éphémère. Le message, comme dans Rendez-vous qui sait,  n’est plus de profiter de l’instant que l’on retrouve dans La garçonnière sous cette requête impertinente  « rendez-vous près du tout à l’égout… » mais d’informer désormais que rien ne dure  et que l’amour souffre de l’usure du temps : Les années se ressemblent/ On est de moins en moins ensemble[3]. Dans  Laisse aboyer les chiens, la perception au temps est plus complexe. Les repères temporels sont bousculés. Beaucoup de temps sont employés : l’imparfait évoque les actions commencées dans le passé mais qui ont été interrompues par la mort ; le passé composé marque les actions passées finies et le présent surgit pour aborder par petites touches la mort : la lune est bleue comme un passeur fidèle (la lune bleue est une image qui préfigure la mort : l’astre est comparé aux anges, ces passeurs d’âmes symbolisés par la couleur bleue dans la tradition judéo-chrétienne qui ont la mission d’accompagner les morts),  Tu joues avec la carabine ,  Tu gis sans vie dans la cuisine . Enfin, le futur renferme cette volonté de maîtriser le temps et de définir comment sera la vie : on prendra la vie comme on veut/ On priera le ciel s’il nous rend mieux/ On s’en mettra plein la panse… Ce pouvoir de liberté pris sur le temps est un préambule de ce que fera la mort : rendre le temps éternel. Le futur ici est un temps fictif où l’imagination féconde se laisse bercer. La devise « laisse aboyer les chiens » est clamée à titre posthume.

 Profiter de l’instant, espérer ne sont pas toujours au rendez-vous mais ils existent.  Cours (A L’ ORIGINE) est un hymne à la liberté sur fond fantaisiste ; c’est un appel à vaincre le passé et les obstacles : cours, même à contre sens/ Evite les autos/ Qui te giflent le dos/ Cours, c’en est trop/ Repartons de zéro/ Mon amour…/ Cours. L’individu veut rentrer dans l’action et agir dans son présent.  Dans  Tu es mon amour (La Superbe), l’envie d’un présent qui dure est mis en avant : Je voudrais que ce séjour dans tes bras/ Que tes caresses ne s’arrêtent pas / Je voudrais compter les jours sur tes doigts. Mais le temps est insaisissable : le présent ne reste pas, tandis que le passé n’est plus et que le futur n’est pas encore. Dans  L’espoir fait vivre (La Superbe), la vue sur le futur est une façon d’échapper au présent et à l’attente, marquée par la redondance de "combien de temps avant". L’homme amorce l’anticipation d’un avenir plus prometteur : Avant l’amour suprême (…..)/ Avant le feu de joie et le soleil à plein temps/ Avant nos fiançailles. Les individus ont un profil parfois très pascalien en ce sens qu’ils ont du mal à se situer dans le présent qui leur échappe et semble n’exister qu’en tant que projet :

« Nous ne nous tenons jamais au temps présent. (…)C'est que le présent, d'ordinaire, nous, blesse. Nous le cachons à notre vue parce qu'il nous afflige et s'il nous est agréable, nous regrettons de le voir échapper... Que chacun examine ses pensées, il les trouvera toutes occupées au passé et l'avenir. Nous ne pensons presque point au présent ; et, si nous y pensons, ce n'est que pour en prendre la lumière pour disposer de l'avenir. Le présent n'est jamais notre fin : le passé et le présent sont nos moyens ; le seul avenir est notre fin. Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre ; et, nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais. » Blaise PASCAL (Pensées).

A très bientôt et pensez à vous protéger du coup de blues…

 



[1]B.B., Les joggers sur la plage ( Rose Kennedy), Buesnos Aires (La Superbe).

[2] B.B., Lyon presqu’île, La Superbe.

[3]B.B., Rendez-vous qui sait, Trash Yéyé.

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Quelque part entre Rose Kennedy et La Superbe de Benjamin Biolay
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