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Quelque part entre Rose Kennedy et La Superbe de Benjamin Biolay
18 août 2011

"Sous le soleil du mois d'août"à la découverte du Moi...

Une ombre en soi :

 Une autre figure de l'artiste en société.

L’ombre est ce qui échappe à toute signification mais qui certes existe. L’ombre est cette partie non avouée de soi (folie, puissance, gloire…). Elle peut être une potentialité du devenir.

J’évoquerai la chanson  Sous le soleil du mois d’août (Rose Kennedy). Le titre est plutôt positif  car le soleil  est évoqué, mais la préposition « sous » annihile déjà toute possibilité d’élévation. Ce texte est fort énigmatique et j’avoue avoir eu une interprétation première très différente. J’ai d’abord lu une histoire d’amour évoquant une femme désespérée mimant une conversation avec son bien-aimé. Bref, une histoire un peu complexe, peut-être d'adultère, peut-être Gloria Swanson "une ombre" et Joseph Kennedy "le soleil" avec le consentement de Rose, "l'ombre" . Mais je n’étais pas satisfaite de ce sens, sens que j’avais du mal à saisir ici mais je suis pugnace ! Autant j’aime parfois juste me laisser bercer par les mots, la musique et sa voix, autant là, je voulais capter les acceptions des phrases. Ma mission était de dégager une particularité dans cette combinaison de mots.

Pour aborder la notion d’ombre d’un point de vue psychanalytique, je me tournerai vers Carl Gustav Jung.  "L’ombre est la personnification de tout ce que le sujet refuse de reconnaître et d’admettre en lui"[1]. Ainsi, cette ombre serait la part du sujet qu’il refuserait à voir. Elle est ce qu’il pourrait être. Cette chanson renverrait alors à la découverte d’un moi. « Alors que devenez-vous » s’ouvrirait sur un dialogue onirique avec le double inversé qui est l’ombre. Je rectifie, l’ombre de l’ombre ! Quelle mise en abyme ! On sombre au plus profond de l’intériorité du moi. L’ombre, ferait-elle ainsi référence à cette quête de l’inconnu de Rimbaud ?  "La première étude de l’homme qui veut être poète est sa propre connaissance, entière ; il cherche son âme, il l’inspecte, il la tente, l’apprend.(Lettres dites du Voyant). Si l’homme recule devant cette quête, il ne peut que songer à la mort. Ici, l’homme crée la rencontre avec son moi intellectuel. L’ivresse -Ivre/ Mon bateau ivre - symbolise l’enthousiasme et la liberté (Libre / De finir le livre/ Où il s’arrête). L’absence d’ivresse –Triste/ Que la vie est triste/ Lorsque l’on a tout bu- marque le désenchantement. Mais le moi créateur est animé par un désir de conquête et ne se laisse pas enchaîner par un dégoût de vivre.  La chair est triste, hélas !et j’ai lu tous les livres. / Fuir !là-bas fuir ! Je sens que des oiseaux sont ivres/D’être parmi l’écume inconnue et les cieux[2]. Mais la création poétique n’est pas sans difficultés ; elle est entraînée dans la tempête. En se découvrant, l’homme vit à travers d’autres sensations, symbolisées par des pages non lues et des plages non vues. L’errance de l’artiste dans sa créativité le conduit sur des chemins nouveaux : Une plage/ S’échouer dessus/ Une page qu’on avait pas lue/ Ce n’est que l’ombre/ L’ombre du début. Pour Rimbaud,  Je est un autre : il y a le « je » ordinaire que l’on connaît et le « je » qui murmure dans nos rêves et qui nous est presque inconnu. Rimbaud a exploré l’inconnu par un  "long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens" (Lettres dites du Voyant). Ce dérèglement a suscité ici l’hallucination avec l’ombre, le bateau ivre…Bref, l’artiste mène une vie qui se heurte à la conformité. Et avec détachement, B.Biolay nous souligne bien cette philosophie de vivre dans l’album, La Superbe.

 



[1] Elisabeth Leblanc, La psychanalyse jungienne, collection Essentialis, Ed. Bernet-Danilot, Avril2002, p35.

[2] Stéphane Mallarmé, Brises marines.

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