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Quelque part entre Rose Kennedy et La Superbe de Benjamin Biolay
24 juin 2011

De l'impressionisme au symbolisme de l'artiste...

 

Je suis ravie de vous retrouver en cette fin de semaine où je vais vous entraîner dans un autre courant de B.Biolay, je veux parler de sa petite touche « impressionniste ». Il suffit de se reporter à  La pénombre des pays- bas, dont le titre est déjà impressionniste en jouant sur un effet de lumière ou à  Un été sur la côte  ou à  Novembre toute l’année  pour la remarquer. Je ne sais pas s’il est nécessaire de préciser que vous pouvez avoir d’autres références. Moi, je ne donne que quelques indications. Vous n’êtes pas obligés de toutes les partager. Vous avez le droit de me soumettre vos perceptions personnelles. J’accepte même d’être contredite ! Alors profitez-en…enfin, avec modération...

De « l’impressionnisme au symbolisme » de B.Biolay :

°Une fin d’après midi au frais/ sous la tonnelle(…) les vagues et les rouleaux/ le vent dans les ombrelles[1]Que direde plus.Tel un peintre, B.Biolay a su transcrire un moment très précis et éphémère comme  cette fin d’après midi au frais. C’est un moment rare que les impressionnistes affectionnaient afin de saisir la beauté d’une lumière exceptionnelle.Concernant  Les cerfs volants,je ferais plus précisément un rapprochement avec Sisley qui aimait représenter le spectacle des paysages paisibles. Dans cette chanson, une atmosphère de clarté et de beauté singulière a su être transposée. L’horizon reflète un moment de plénitude : Et tandis que l’eau s’étend/ Jusqu’à l’autre bout de l’étang/ Je regarde l’aube claire/ S’allonger sur les conifères. Toute idée de verticalité serait vue ici comme une agression. C’est pourquoi l’élévation des cerfs-volants est maitrisée, le vent est léger ; la nature est domestiquée et les conifères sont empêchés de se dresser. La nature est ici comme un petit jardin d’Eden, un petit paradis. Le terme « paradis » signifie enclos, comme notre parc ici qui paraît délimité. Le torrent, élément sauvage, se trouve hors champ. Les parasols, présence  civilisatrice, sont abandonnés et les amants, présence humaine potentiellement hostile, sont en nombre limité. Ici de là, on peut détacher d’autres petits « tableaux ». Dans la toute première partie de  La dernière heure du dernier jour (ROSE KENNEDY), le mouvement est très important et marque une certaine fulgurance : le caractère changeant de la nature : le soleil se farde(…) l’horizon qui glisse  et puis après, le coup final est porté par un ténébroso : J’ai plongé dans la nuit.  Le glissement du monde diurne au monde nocturne prend une orientation pessimiste. Le coucher de soleil est assimilé dès le Moyen-Age à la fin des temps. Ici, c’est l’espoir et la vie qui s’enfuient avec le soleil.

Les cadres de ses « fresques » se resserrent lorsqu’il nous entraîne dans les chambres. Là, comme aurait dit Courbet-Gustave et non Julien- B.Biolay peint vrai. Tout est rendu si visible que la distance entre le lieu et celui qui observe ou écoute (ce verbe convient mieux pour les chansons), est devenue limitée : un sinistre abat-jour/ et la tiédeur / d’un radiateur[2] , une table basse en chêne/ une TV peu de chaînes/ une vue un peu moyenne/ un canapé lit crème() une étagère qui penche/ une fusée rouge et blanche…..[3]De prime abord, aucune reconstitution n’est demandée à l’esprit et c’est un autre point commun avec l’impressionnisme mais il faut ensuite souligner une limite, voire un paradoxe : en visitant ces pièces, on aperçoit une autre réalité, celle dissimulée derrière l’apparence première. Elle est partie intégrante d’une perception du monde par l’artiste et nous amène à une réflexion. Dans les albums Trash Y. et La Superbe, particulièrement, l’environnement ne s’impose plus comme un miroir de l’expression du Moi mais un tremplin pour suggérer des idées derrière des images ; les interprétations peuvent être multiples. B.Biolay nous a fait parcourir des contrées infinies et indéfinies pour nous déposer dans des lieux plus intimes. La chambre est le huis clos que je veux vous faire visiter plus amplement.

°La chambre apparaît comme un anti-univers plastique ; elle n’est pas agréable à voir. D’ailleurs dans Chambre 7(NEGATIF),elle est à peine regardée par le sujet : sans terrasse/ semble-t-il, sans fleurs/ et sans téléviseur. Elle est représentée comme un lieu anonyme, réflecteur d’un sentiment de solitude mêlée à de la tristesse. Dans la mémoire collective, une chambre est composée d’un lit, de  meubles de rangement. Il s’agit d’un lieu de repos où l’on pratique rêverie, prières, parties de jambes en l’air- je gardais le meilleur pour la fin. Ce lieu est traditionnellement lié à la naissance et à la mort. La chambre  7( ce chiffre  symbolise un nouveau départ) ne répond pas au besoin de sommeil, de repos et on s’attendrait plutôt à lire : « cellule 7 » ou « confessionnal 7 ». Il nous présente une description sommaire et réaliste de cette chambre dépouillée de tout confort. Embellir, décorer n’est pas le souci prioritaire. La  description  dans La chambre d’amis (Trash Yéyé) est même perçue comme un inventaire de mobilier que l’on dresserait après un deuil. Un élément semble s’approprier tout l’espace : la lettre. Voilà pourquoi il n’y a pas de lit dans la  chambre7car ici, la pièce retrouve la place qu’elle occupait pendant l’époque des rois et des complots. C’était un lieu difficile d’accès donc le plus sécurisé aussi où les hommes signaient des documents officiels importants en compagnie des notaires. Ensuite, dans une époque moins lointaine, c’est toujours dans les chambres et dans les armoires ou commodes que l’on conservait précieusement les objets les plus chers, les photos, les souvenirs…et je comprends maintenant l’importance accordée à la couleur de la commode dans 15 septembre (La Superbe) .La couleur en elle-même  n’est pas importante mais pour l’homme, ce meuble est comme le  buffet de Rimbaud (Le buffet) : O buffet du vieux temps, tu sais bien des histoires,/ Et tu voudrais conter tes contes, et tu bruis/ Quand s’ouvrent lentement tes grandes portes noires. Dans 15 septembre, la commode est le symbole d’une vie à deux, passée. La séparation à peine enclenchée, le couple n’a déjà plus les mêmes souvenirs et n’est définitivement plus en accord : je te signale à propos que la commode dans l’entrée / N’est pas noire/ Non elle est bleue. Sous la peinture de la commode, il faut s’attacher non à la tonalité précise mais aux pouvoirs  symboliques du noir et du bleu. Le noir est le symbole du mal et de l’erreur et il s’accorde bien  avec la trahison et le deuil de l’amour. Le bleu est le symbole de la vérité, du réfléchi et de la sérénité. Ne pas choisir cette couleur, d’un point de vue psychanalytique, est une marque d’instabilité. Le bleu renvoie aussi à l’eau, celle qui nettoie et purifie. L’homme cherche sans doute à renaître. La chambre, dans les chansons précédemment évoquées à défaut d’être agréable, représentait un lieu clos, intime. Dans Chèreinconnue° (Négatif), une fenêtre où un regard peut pénétrer, brise le caractère protecteur de la chambre ; la vue est à sens unique : vis à vue. Le voyeur a une place privilégiée ; c’est toute l’ambivalence  du deux pièces qui donne sur la rue, sur l’intrus. Ici c’est l’anti-univers du coup de foudre : lieu public où jaillit un  premier regard, puis un second….  Auriez-vous pris possession de ma vie de ma vue/En terrain connue/(…) En terre inconnue : cette fausse question  appelle une négation car la" belle" ignore l’existence de son voyeur. Ici la rencontre tourne en chasse à courre. C’est le cas aussi de la prédiction de la poursuite de  Dans ta bouche (Trash Yéyé) où la profusion des lieux va du plus général aux plus insolites ; ils portent en eux toute la jalousie maladive de l’homme (que l’on développera un autre jour) : Où que tu sois/ En salle au bar (joli jeu de son)….je serai là…dans le four de ta pizza reine. Il existe d’autres zones de pouvoir de l’homme : la Merco Benz. Ce cadre confiné est le lieu d’une histoire d’amour : dans la Mercedes/ C’est de l’espoir que je caresse/ Soviet suprême / Toi mon plus beau problème. La voiture et la femme sont mises en parallèle ; c’est beaucoup moins flatteur que la rose de Ronsard mais tout aussi suggestif. Enfin, j’évoquerai La garçonnière (T.Y), règne de l’amant, où nulle description n’est apportée car elle n’existe que par et pour l’activité sexuelle ! Regardez-vous/ En sueur le rose aux joues/ Et des bleus de partout/ On vous croirait presque passée sous le train. Le rose et le bleu ne teignent pas la tapisserie mais ces deux couleurs généralement associées à l’innocence, à la fraîcheur de l’enfance sont renvoyées à l’érotisme pour ridiculiser la féminité de la maîtresse.

 Quel chemin parcouru en dix ans ! En partant de quelque part sur la terre- première chanson de son premier album, B.B. a fini par saisir l’homme dans un milieu naturel plus restreint : quelque part le 15 septembre, je t’écris de chez Fred-dernière chanson de l’album LA SUPERBE. Une pudeur s’est dissipée ; il n’a plus besoin d’une saison automnale  pour confier une émotion. Je manquerais à mon devoir d’observatrice si j’omettais d’évoquer sa particularité  à utiliser les images comme détonateur à ses créations plus fantaisistes.  Mais la tendance surréaliste de l’artiste sera l’objet de notre très  prochaine rencontre. A très  bientôt…

 



[1] B.B, Un été sur la côte, ROSE KENNEDY.

[2]B.B., Chambre 7, NEGATIF.

[3] B.B., La chambre d’amis, TRASH YEYE.

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